La fille au chien

Je me souviens que j’étais super content au développement de ce film, et de cette photo en particulier, au point de me précipiter chez mon voisin de palier, un célibataire de 35-40 ans (j’en avais 23) avec qui je m’entendais bien et qui faisait un peu de photo, avec mon film à peine sec à la main pour le lui montrer.

Dans mon enthousiasme à lui faire admirer mes petites images (en négatif, hein, même pas une planche-contact) je n’avais pas particulièrement prêté attention au fait qu’il avait ce soir-là de la compagnie. Une jolie fille au visage d’un ovale parfait, très-trop blonde, très-très maquillée et fort court vêtue de cuir noir et bas résille. Des bas résille je n’en avais jamais vu autrement que sur les photos de Sieff, tout ça aurait dû, quand même, m’interpeller un peu.

Du coup il s’est cru obligé de me faire entrer, me présenter à la blondinette, et de subir pendant un temps qui a dû leur paraître interminable, le récit de mes aventures photographiques à Évry, et mon enthousiasme de débutant prépubère (en photo) pour Doisneau, Sieff et Cartier-Bresson, que je ne connaissais pas quelques semaines plus tôt.

C’est seulement de retour chez moi que je me suis rendu compte qu’ils avaient sans doute un autre projet pour la soirée, et que j’avais dû sacrément les raser. Ne lui ai plus jamais parlé de photo ensuite, d’ailleurs on ne s’est plus tellement revus.