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Pictorialisme
Publié le 13 septembre 2019
Je me souviens de l’émerveillement ressenti à mon tout premier développement de film, ce film, et la découverte sur la planche-contact de cette photo en particulier.
Je n’avais pas d’agrandisseur encore, un ami m’en avait prêté un. Mais réussir un bon tirage noir et blanc n’est jamais une chose facile ; pour un débutant autodidacte c’est à peu près impossible. Et au lieu de m’exercer sur des photos sans importance, j’ai évidemment voulu tirer tout de suite ma préférée, celle qui me semblait la meilleure du film.
J’ai tellement essayé d’en tirer quelque chose de cette photo, à répétition, avec un matériel pas très adapté et la maladresse du débutant, que très vite j’ai massacré le négatif. Poussières, rayures, au point d’être intirable ; et pas de scanner ni d’ordinateur évidemment à l’époque. Dentatives désespérées et calamiteuses de retouche à l’encre directement sur le négatif, re-lavage, re-séchage au sèche-cheveux... une boucherie photographique.
Quelques années après j’ai vu des photos des pictorialistes, notamment Demachy, qui rayait délibérément ses négatifs à des fins artistiques. Alors tenté le tout pour le tout, et sauvagement griffé la pauvre photo avec une aiguille de couture — rétrospectivement, un peu la sensation de pratiquer un avortement avec une aiguille à tricoter. Quand même, je n’avais pas osé griffer le visage, ou le moins possible. Le résultat évidemment n’était pas mieux, ça resterait une photo ratée pour l’éternité.
Et puis en le retrouvant ce négatif le plus pitoyable et miséreux de tous ceux qui reposent dans les classeurs, et en le laissant quasiment « brut de scan », ce qui adoucit un peu ses plaies, le souvenir un peu amer d’une frustration et d’un dépit est devenu une petite madeleine proustienne délicatement parfumée à l’hydroquinone et l’hyposulfite, comme rappel d’un de ces souvenirs d’adolescence, so fern, so nah ! — si loin, si proches.