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Gluck

Publié le 9 décembre 2019

Dans chaque famille il doit y avoir comme ça un de ces personnages un peu fantasque, original, dont on aime bien évoquer le souvenir parce que drôle et hors-normes. Du côté de mon père, c’était sa grand-mère Eugénie Bodin, épouse Bon, dite Mémé Canne, qui était aveugle, portait des culottes fendues pratiques pour pisser aux champs sans montrer ses fesses, et de laquelle on a gardé un répertoire de bons mots en patois vendéen.

Du côté de la Plus belle fille du monde, le personnage folklorique c’est sans doute la tante Néné dont l’état civil ne me revient pas dans l’instant. La tante Néné avait un beau tempérament d’artiste multicartes, dessin, musique, sculpture, et une jeunesse et fraîcheur d’esprit qu’elle avait gardé jusqu’à sa mort dans son lit et en pleine santé, à 101 ans. Et paraît-il toujours fraîche et pimpante quoique ignorant superbement l’usage de la douche pourtant installée dans la maison quelques décennies auparavant, et se moquant de cette manie qu’avaient les autres de se laver sans être sales.

Il y a encore dans la vieille maison familiale à Aix-en-Provence son piano (Bord, cadre bois, mécanique à baïonnettes, injouable et irréparable) et ce buste en terre du compositeur Gluck, probablement d’après le buste du même par Jean-Antoine Houdon. Sans doute un travail effectué pendant son passage aux Beaux-Arts d’Aix.

Je ne sais pas si la tante Néné était une Camille Claudel passée de peu à côté de son destin artistique et de la gloire, ou juste une jeune fille de bonne famille aimant tripoter la terre. Pour la gloire peu de chances qu’elle arrive maintenant, et si on regarde le buste de Houdon, la comparaison n’est pas à l’avantage de la tante. Mais le côté amateur maladroit je serais bien mal placé pour le lui reprocher.

Et puis j’aime bien ce buste d’un compositeur passé de mode, relégué dans le coin le plus obscur du salon, qui doit peser un poids conséquent, et qui n’est pas cuit, donc éminemment fragile, et inéluctablement voué au retour à la poussière.

Mais si on y réfléchit un peu nous sommes aussi des bustes de Gluck, maladroits, imparfaits et voués au retour à la poussière à plus ou moins brève ou longue échéance — mais avec une certaine noblesse peut-être, quand même. Enfin on essaie.

Gluck
Aix-en-Provence, août 2019