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Entrée des artistes

Publié le 23 février 2020

Rdv 9h40 devant la cité de la musique ?

Ça serait trop long à expliquer comment et pourquoi, disons juste que j’étais invité à la répétition générale d’une création mondiale — la dixième symphonie de Beethoven / Pierre Henry en version orchestrale — par Hélène Devilleneuve, hautbois solo du Philarmonique de Radio-France. Scusez du peu.

Quand ça t’arrive un truc comme ça, tu fais abstraction pour une fois de ta sale habitude dite du quart d’heure charentais, ou plutôt tu l’inverses, et tu arrives à 9h20 pour 9h40.

Donc à l’abri sous le porche d’entrée de la Cité de la musique. Il pleuvait des chats et des chiens et je m’amusais à regarder le manège de quelques corneilles à qui la pluie ne semblait pas couper l’appétit, au point de se laisser prendre en photo au 50mm.

Et puis je regardais les musiciens arriver, en supputant quel était leur instrument. Les violonistes/altistes/violoncellistes c’est facile. Les cornistes aussi. Les instruments à vent qui sont planqués dans les sacs à dos c’est plus difficile. Découvert à cette occasion que les contrebassistes ne se déplacent pas avec leur instrument, juste l’archet, les lâches.

Mais on avait passé l’heure du RV et ma hautboïste n’arrivait pas. Le téléphone sonne :

— Bonjour Jacques, vous êtes où ?
— Ben, à l’entrée de la Philarmonie...
— Moi aussi... ah, ça y’est je vous vois !

Ben oui, quand une artiste te dit : « je vous attends à l’entrée » il faut comprendre l’entrée des artistes, et pas celle du public.

— Bonjour Hélène, et merci, c’est vraiment sympa de votre part...
— Bah on se tutoie entre hautboïstes, hein ! On est collègues !
— Oui, enfin on n’a pas exactement le même niveau...
— Ça on s’en fout !

Et c’est comme ça que tu rentres à la Philarmonie par ladite entrée des artistes, annoncé au vigile par un « c’est mon invité ! » qui te dispense d’ouvrir ton sac (avec le Nikon et quelques macarons achetés en partant). Et que le gars ça n’a pas l’air de le surprendre plus que ça, qu’un petit joueur de hautbois de 17ième zone soit l’invité de la supersoliste du Philar — un peu comme si tu te pointais backstage à un concert des Stones piloté par Keith Richards en personne Hey man, he’s my f. guest...

Après tu te retrouves dans le vestiaire avec tout le monde (c’est générale filmée, donc en costumes de scène), tu traverses le plateau au milieu des instruments avec mille précautions pour ne rien renverser et tu as trois orchestres symphoniques, trois chefs, et la musique de Beethoven et de Pierre Henry pour toi quasiment tout seul pendant deux heures.

Depuis, je ne l’appelle plus autrement que la Bonne fée du hautbois, l’amie Hélène.

Philarmonie
Paris, décembre 2019

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